Brand Immersion - Les marques, les Français et la sobriété : optimiser ou changer ? (Épisode 2)

Depuis 7 ans, le Club des Annonceurs, en partenariat avec Kantar et INfluencia, interroge une trentaine de dirigeant(e)s de marques influentes, quant aux grands enjeux auxquels ils/elles sont confrontés dans leur métier.
20 décembre 2022
Brand_immersion
Pierre Gomy
Pierre
GOMY

Directeur Développement Durable & Global Lead Luxe, Kantar Insights C&SE

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Chaque année, depuis 7 ans, le Club des Annonceurs interroge une trentaine de dirigeant(e)s de marques influentes, quant aux grands enjeux auxquels ils/elles sont confrontés dans leur métier. De ces interviews “qualitatives” et des données “quantitatives” fournies par Kantar Insights, partenaire de l’étude tout comme INfluencia, le Club des annonceurs identifie les tendances et courants saillants autour d’un thème. Cette année la question était : “How much is Enough ?”. Découverte cette semaine des deux derniers courants identifiés.

Nous avons vu dans l’épisode 1 que la technologie utilisée à bon escient et les stratégies d’adaptation des marques permettent de gagner en sobriété dans un contexte où les entreprises et leurs clients n’ont plus d’autre choix que d’adopter un style de vie et de consommation différents pour limiter le recours aux ressources.

D’autres font le choix d’une plus grande radicalité. Selon les résultats d’une enquête complémentaire et exclusive menée par Kantar Insights pour le Club des Annonceurs auprès de 1000 personnes pour prendre en compte l’avis des citoyens français dans la synthèse The Brand Immersion : 14% des personnes interrogées ont déjà renoncé à certaines habitudes, 20% consomment moins pour être plus sobres, et 15% se posent les bonnes questions pour faire autrement. Si certaines habitudes demeurent difficiles à changer – regarder des vidéos (42%) ou les réseaux sociaux (33%), faire des trajets en avion (26%), la majorité des consommateurs est prête à se modérer. Plus de la moitié de la population interrogée souhaite limiter l’achat de produits neufs et la consommation de viandes et poissons, tout comme les sorties shopping et les produits qui viennent de loin.

Courant 3

#La sobriété transformative

Les démarches de changement de consommation se reflètent dans le comportement des marques et des entreprises. La raréfaction des ressources, la nécessité de réduire les déchets et les autres impacts négatifs de l’activité économique conduisent ainsi de nombreuses marques à repenser une partie de leurs modèles d’affaires.

#Low innovation

Le cas de transformation des activités courriers de la Poste est intéressant. L’entreprise a récemment renoncé au recours à l’avion en revoyant « simplement » ses standards de distribution du courrier à J+3 vs J+1, et annonce que demain elle imprimera le courrier au plus proche du domicile pour limiter toujours plus les transports. En prenant le contrepied de la vitesse pour faire l’éloge de l’humain et de la fiabilité, l’entreprise lutte contre les excès du tout instantané. Isabelle Schlumberger, Directrice générale Commerce, Marketing et Développement nous rappelle que chez JC Decaux, les principes de sobriété et de durabilité, comme la récupération des eaux et la réutilisation du mobilier urbain, étaient déjà très populaires à la création de l’entreprise et ils le sont toujours 60 ans après.

#Human ecology

Chez Alenvi, marque spécialisée dans les services d’aide à domicile, on parle même d’écologie humaine. La sobriété est dans la volonté de garder les choses simples, ne pas multiplier les tâches ni les règles qui viennent d’en haut, pour gagner en sérénité. C’est aussi une philosophie qui guide son projet Biens Communs : rénover des grandes maisons pour en faire des lieux de vie pour personnes âgées, plutôt que de bâtir de nouvelles constructions impersonnelles et coûteuses en ressources naturelles. Citons aussi Elisabeth Cialdella, Directrice générale de M publicité du Groupe le Monde, qui rappelle que leur accompagnement des marques dans les transitions actuelles passe notamment par « la mise en place d’une écologie de l’attention, pour faire de la sobriété, une réalité ».

#(Bio)diversity

Il est intéressant de regarder comment les entreprises diversifient leur sourcing pour mieux profiter des richesses du monde et éviter d’en épuiser une en particulier. Saviez-vous que 2/3 de ce que nous mangeons est composé de seulement 9 espèces végétales (maïs, soja, riz, pommes de terre, blé, huile de palme, sucre de canne, sucre de betterave, manioc) ? La marque Bjorg du groupe Ecotone a décidé d’inverser les proportions en ne proposant ces espèces que dans ⅓ de ses produits, pour donner à voir la diversité des espèces végétales (pas moins de 6000 !) afin de diversifier les goûts, et renforcer la diversité nutritionnelle. Vive l’épeautre et le lin !

La sobriété est un excellent outil de remise en cause de ses pratiques. Il ouvre de nouvelles perspectives en matière d’innovation. Ces nouveaux business models, plus sobres et plus frugaux, participent à l’émergence de marques plus humaines et plus proches de leurs clients.

Courant 4

#La sobriété régénérative

L’enquête consommateurs précitée de Kantar Insights et du Club des Annonceurs, montre que la majorité de la population est ouverte à la sobriété, à une société moins centrée sur la consommation si elle est présentée positivement. Ils veulent même accélérer en la matière et ont identifié ce qu’ils pouvaient faire. D’autres études nous montrent qu’ils comptent sur les incitations et aides des gouvernements et des entreprises pour pouvoir les aider à convertir ces attitudes en comportements. Ils sont prêts à faire des efforts mais souhaitent être accompagnés, se placer dans un mouvement de société plus général.

Nous avons investigué auprès d’entreprises sobres par essence, pour comprendre comment elles cherchent à inscrire leurs activités dans de nouveaux modèles économiques, comme l’économie de la fonctionnalité ou l’économie circulaire. Mais aussi des marques Impact Native comme Patagonia, 1083, Alenvi… pour comprendre leurs ingrédients clés et comment elles maintiennent leur progression et longueur d’avance pour aller encore plus loin sur le chemin des modèles régénératifs et ainsi inspirer l’urgence d’action vertueuse des entreprises aux modèles plus classiques.

#Rent me (product as a service)

Saviez-vous que 100 000 tonnes de déchets sont produites chaque année rien que par les jouets ? Qu’une voiture est inutilisée 96% de sa vie… Et que dans leurs foyers, les Français disposent en moyenne d’une centaine d’objets électroniques dont 1/3 ne sont jamais utilisés ! Pour tenter de remédier à cela, il est nécessaire de passer d’une économie de la possession à une économie de l’usage, via la location notamment. C’est le cas de Greenweez, pionnier du e-commerce bio qui teste désormais la location de matériel de puériculture. De nombreuses marques s’engagent dans cette voie de la location, comme Petit Bateau, accompagnée par une start-up française Lizee.

#Infinite brand

Une autre façon de limiter ses déchets est de s’inscrire dans un modèle d’économie circulaire, et de prendre en compte l’ensemble de son activité, jusqu’à la fin de vie du produit. Connaissez-vous le jean infini de la marque 1083 ? Il s’agit d’un jean en fil recyclé, qui est 100% recyclable, et consigné pour garantir le retour du produit afin de pouvoir le recycler et recréer un nouveau jeans. Son fondateur dit souvent qu’il s’agit de la conjonction de 3 non-innovations : le recyclé, le recyclable et la consigne. Une façon de nous rappeler que l’économie circulaire est à notre portée.

# »Perma » branding

Certaines marques s’inspirent de la nature, qui sait se réinventer face aux challenges, pour bâtir de nouveaux modèles : 1083, encore eux, se sont dotés d’une nouvelle mission : celle de construire la perma-Industrie du jean. Calquée sur les 12 principes de la permaculture, il s’agit de s’inspirer de la nature dans son activité industrielle, en conservant le souci de prospérité réciproque. Le concept de permaentreprise se popularise également, à la faveur du livre éponyme de Sylvain Breuzard, PDG de Norsys et du collectif de la Perma-entreprise, qu’il a fondé avec son fils Thomas Breuzard. Les Perma-brand c’est donc pour bientôt !

Autre exemple de marque qui place la nature au cœur de ses réflexions : Patagonia. Comme l’a rappelé Frédéric Mouyade (Regional Sales Manager France-Iberia-Benelux) lors de son intervention à The Brand Immersion, « Yvon Chouinard avait en tête de créer une entreprise dans l’idée de servir la planète ». C’est ce qui l’a toujours animé jusqu’à récemment lui céder son entreprise…

Ainsi les pionniers de l’impact, fidèles à leurs valeurs, s’engagent dans la transformation totale de leurs activités avec une visée régénérative et accompagnent grandement la transition de la surconsommation à une consommation plus raisonnée, moins excessive, consciente des limites et attentive à rendre à la nature plus que ce qu’on lui a pris. Les marques ont un rôle fondamental à jouer dans ce passage à l’ère de la Modération. Selon Nicolas Vanbremeersch, fondateur de Spintank et auteur du livre Résonner, Les marques ont un nouveau rôle à jouer, “il n’y a pas d’autre chemin de succès pour les marques, que de chercher à construire, dans cette aventure des transitions, une relation forte avec leurs publics. C’est dans cette quête d’une relation juste, vraie, qui propose de nouveaux équilibres et de nouvelles manières de faire qu’elles peuvent trouver une voie de succès.”

Cet article a été publié sur INfluencia https://www.influencia.net/les-marques-les-francais-et-la-sobriete-optimiser-ou-changer-episode-2/

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