PR Report - 8 mai 2020

Cette semaine, le PR Report analyse l’impact du Covid-19 sur la presse écrite, la télévision et la radio, très durement frappées par la crise. Alors que le plan global en faveur de la presse écrite doit être présenté dans les prochaines semaines, les télévisions prévoient une baisse du chiffre d’affaires publicitaires inédite dans l’histoire de la télévision moderne. Le rôle des influenceurs s’est lui aussi retrouvé chamboulé par la crise sanitaire.
08 mai 2020
Gwenaelle Lepeltier
Gwenaëlle
LEPELTIER

Chef de Projet Editorial - Revues de Presse, Division Media

Ambre Limousi
Ambre
LIMOUSI

Senior International News Editor, Division Media

Les médias dévastés par le Covid-19, point sur la situation en presse écrite

Le ministre de la Culture, Franck Riester, a annoncé des mesures d'aides exceptionnelles pour aider la presse et l'audiovisuel, indiquent Stratégies et Le Figaro.

Le plan global en faveur de la presse écrite sur lequel travaille Franck Riester sera présenté dans les prochaines semaines. Côté éditeurs, « nous travaillons à ce que les aides à la presse soient versées le plus tôt possible, pour donner de la trésorerie », a indiqué le ministre, assurant par ailleurs garder « un oeil attentif » sur des cas particuliers tels que France Antilles ou Paris Normandie.

Le plan de Franck Riester prend évidemment en compte la question de Presstalis, principal distributeur de presse en France. Représentant 75% du marché, Presstalis s’est déclaré en cessation de paiements le 20 avril, indique Le Figaro. À ce stade, « la déclaration de cessation de paiements n'a pas de conséquence immédiate. Presstalis continuera d'assurer la distribution de la presse », a assuré son président Cédric Dugardin. FranckRiester a également assuré tout faire « pour qu'il n'y ait pas de rupture dans la distribution de la presse ». Le ministre s’est par ailleurs engagé à verser aux marchands de journaux, « dans les jours qui viennent », ce que leur doit Presstalis – très endetté, de l'ordre de 500 à 600 millions d'euros, Presstalis doit 17 millions d'euros, dans l'immédiat, aux diffuseurs (marchands de journaux et kiosques). Ayant conduit à la fermeture de 20% à 25% du réseau des 22 000 points de vente, la crise du Covid-19 a entraîné une chute mécanique de chiffre d'affaires de Presstalis.

Dans une interview pour Le Monde, Cédric Dugardin revient sur les deux plans proposés. « Le plan proposé par les magazines prévoit de faire des Messageries lyonnaises de presse (MLP), concurrent de Presstalis, une messagerie unique. Presstalis deviendrait un centre de prestations de services, assurant certaines fonctions supports […]. Le plan que nous proposons est un plan intermédiaire, qui intègre MLP dans le système, et prévoit un début de mutualisation des outils […]. Dans tous les cas, la restructuration va coûter aux alentours de 150 millions d'euros ». L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) va d’ailleurs permettre aux petits éditeurs – dont les ventes hors réductions sont inférieures à 5 millions – de quitter Presstalis s'ils le souhaitent, a indiqué à l'AFP le président de l'autorité, Sébastien Soriano, comme le rapporte CB News. Selon Sébastien Soriano, leur départ individuel n'est pas de nature à aggraver significativement la situation de Presstalis ou à remettre en cause le schéma industriel futur de la distribution de la presse.

Selon Challenges, les kiosques numériques, eux, ne connaissent pas la crise. Pour les trois grands acteurs français – Cafeyn, ePresse et SFR Presse – il y a, comme le résume Jean-Frédéric Lambert, patron d'ePresse, « à la fois un bond des inscriptions et une croissance de la consommation dans la clientèle existante ».

A l’étranger, la situation des médias est également délicate. Comme l’indique Meta MediaThe Guardianqui s’attend à une baisse des recettes de 20 millions de livres au cours des six prochains mois, a mis au chômage partiel 100 employés et a baissé de 30 % les salaires de ses dirigeants. Des réductions de salaires ont également été appliquées chez Condé Nast et au Financial Times, tandis que The LA Times et Vox ont congédié des employés. Le New York Times et le Washington Post continuent, en revanche, à embaucher.

Les médias dévastés par le Covid-19, point sur la situation dans l’audiovisuel

En ce qui concerne l'audiovisuel, le ministre de la Culture, Franck Riester, étudie la création d'un crédit d'impôt proposé par les professionnels de la télé et de la radio. Même si « les objectifs principaux qui le fondaient restent pertinents », le projet de loi audiovisuel, dont l'examen a été repoussé, sera réexaminé.

M6, qui a ouvert le bal de la publication des résultats, ne cache pas le fait que la télévision est durement frappée par la crise. « Comme pour l’ensemble du marché, les recettes publicitaires des chaînes de TV de M6 ont chuté de 50% à partir du 15 avril et d’un peu plus pour les stations RTL », indique Nicolas de Tavernost, Président du directoire, cité par Les Echos. « La radio est frappée plus durement que la télévision mais reprendra plus vite », précise-t-il. Afin d’absorber ces pertes, le groupe a décidé, dès le 15 avril, la mise en place d’un plan d’économies de 100 millions d’euros sur l’ensemble de ses chaînes gratuites, un plan qui sera complété par un autre plan, pas encore chiffré, portant sur les autres activités du groupe (production cinéma, radio, digital et téléachat). « Nous faisons en sorte qu’il n’y ait pas de baisse d’effectifs, sauf si la crise s’aggrave », précise M. de Tavernost, qui appelle l’Etat à mettre fin « à l’iniquité de traitement entre le secteur privé et le secteur public » alors que « ce dernier bénéficie de recettes assurées avec la redevance tout en restant financé par la publicité ». M. de Tavernost souhaite que le marché de la publicité soit, temporairement, réservé aux groupes privés, et appelle de ses vœux l’ouverture d’un dialogue avec le CSA afin de revoir la question des obligations de financement de la création, impossibles à mettre en œuvre dans le contexte actuel, tout en attendant le déblocage d’un fonds de garantie de 50 millions d’euros pour indemniser l’arrêt des tournages de séries et de films.

TF1 s’attend, lui aussi, « à une chute d’au moins 50% pour le mois d’avril, et possiblement dans la même tendance en mai-juin », explique son PDG, Gilles Pélisson, au Figaro. Pour le moment, le groupe tente de s’adapter financièrement à la crise, les annonceurs ayant déserté. « Le média TV va connaître une baisse du chiffre d’affaires publicitaires inédite dans l’histoire de la télévision moderne. TF1 vit essentiellement des recettes publicitaires. Nous sommes donc impactés de plein fouet, alors même que nos programmes et notre légitimité commerciale sont plébiscités. Notre objectif est de proposer la meilleure grille possible à la rentrée », explique Ara Aprikian, directeur général chargé des contenus du groupe.

France Télévisions se prépare, de son côté, à un déconfinement progressif avec un retour à une situation normale en septembre et un retour des nouveautés en janvier, explique à l'AFP la présidente du groupe Delphine Ernotte, comme le rapporte CB News« Je ne crains pas de difficultés sur la fiction pour la fin de l'année mais en revanche si on n'est pas capable de reprendre les tournages cet été on commencera à avoir des difficultés pour avoir de nouvelles fictions au 1er semestre 2021 », indique-t-elle. France Télévisions prépare par ailleurs avec Audiens un fonds de soutien pour les collaborateurs non-permanents et les intermittents du spectacle qui devrait être prêt mi-mai. « Cette crise ne va faire qu'accélérer des tendances déjà à l'œuvre, comme l'affaiblissement des médias locaux. Il faut travailler à la création de champions européens », estime Delphine Ernotte, précisant travailler à un « projet sur un axe franco-allemand, une plateforme de débats à l'attention de la jeunesse ».

La télévision a, paradoxalement, vu sa consommation exploser depuis le mois d’avril, indique Le Figaro… pour atteindre un nouveau sommet historique de 4h40 en moyenne par personne et par jour, selon Médiamétrie. Comme l’indique Ara Aprikian, du groupe TF1, « qu’elle soit publique ou privée, la télévision est au rendez-vous de cette crise. Comme tous les secteurs d’activité, elle est elle-même affectée. Mais cela ne l’empêche pas de répondre aux nécessités des citoyens ». « La télévision est un media, créateur de lien social ». Une fonction « exacerbée à une période où l’on a besoin de partager tous ensemble » des messages d’intérêt général, des informations sur le coronavirus, les mesures annoncées par le Président de la République… des informations que l’on ne « trouve pas sur Netflix ».

Vers une influence toujours plus sociétale

Dans son enquête Review : influence et COVID-19, la Division Media de Kantar cherche à comprendre comment les influenceurs se sont adaptés à la crise, quelles en ont été les conséquences et de quoi sera fait l'avenir, rapportent La Correspondance de la Publicité et Offremedia.com.

Tous les secteurs d'activité n’ont pas été impactés de la même manière. Ainsi les influenceurs alimentation, télécommunications, hygiène, produits d'entretiens, enseignement ou bureautique ont vu leurs activités augmenter alors que les influenceurs voyage, restauration, arts, sports, automobile, mode-beauté, technologie et électroménager ont dû réduire leurs activités.

Les différents types d'influenceurs – se répartissant principalement autour de trois typologies d'influence – n'ont pas, été touchés de la même manière. Si les hubs d'audience ont dû s'adapter à une hausse des audiences digitales, en raison notamment de la pression de leurs communautés pour produire davantage de contenus et d’un écosystème publicitaire et médiatique chamboulé, les créateurs de contenu ont dû faire face à l'annulation de lancements de produits et de certains partenariats et à des conditions de créations plus difficiles qui les ont contraints à imaginer de nouveaux formats. Les relais de confiance, quant à eux, ont vu leur rôle prendre encore plus d'importance. Pour Christophe Manceau, directeur du planning stratégique chez Kantar Division Media, « cette crise sanitaire a fait émerger le homefluenceur, une version augmentée en éthique et responsabilité de l’influenceur ; un retour à l’authenticité qui offre une proximité nécessaire à une heure où l’influence sera toujours plus sociétale ».